Denault quitte à ses propres conditions

La saison 2020 de Robert Denault ne s'est pas terminée comme il s'y attendait. Comme pour nous tous, l'année 2020 ne s'est pas déroulée comme prévu. Pour Denault cependant, 2020 allait finir par s'avérer la dernière saison de sa carrière compétitive, lui qui a récemment annoncé qu'il prenait sa retraite.

Il ne partira pas les mains vides. Denault est le détenteur du record national U18 dans l'épreuve du 1500 mètres (3:45.87). Il a été nommé cinq fois au sein des équipes d'étoiles nationales universitaires américaines alors qu’il représentait l'Université Villanova et il a remporté trois titres nationaux dans les catégories d'âge U18 et U20. Denault a par ailleurs représenté le Canada aux Championnats panaméricains juniors de 2011, aux Championnats du monde juniors de l'IAAF en 2012 et aux Universiades d'été de la FISU en 2015.

Denault s'est confié ci-dessous, alors qu'il entreprend une période de transition entre sa carrière d'athlète compétitif et le prochain chapitre de sa vie.


 

Chère course à pied,

Il faut qu'on se parle.

Par un dimanche soir avant le souper, j'ai ouvert mon courriel et j'ai vu l'annonce du Comité olympique canadien voulant qu'il n'allait pas envoyer d'athlètes aux Jeux olympiques de Tokyo en 2020 (annonce qui a été suivie, quelques jours plus tard, par la décision du CIO de reporter les Jeux). Je venais littéralement de fermer les livres sur une séance d'écriture dans mon journal personnel où je tentais de me faire à l'idée que je devais lâcher prise en ce qui a trait aux décisions dont je ne pouvais pas contrôler l'issue, et que je devais mettre la saison en salle derrière moi afin de prendre une erre d'aller en vue de la saison extérieure. Une fois que les annonces ont été faites, je suis allé à mon réfrigérateur, je me suis ouvert une bière et je me suis demandé si ça allait se terminer comme ça.

J'étais parfaitement conscient, au moment d'entreprendre l'année 2020, que j'allais avoir besoin de frapper un coup de circuit pour me qualifier pour l'équipe olympique canadienne en vue de Tokyo. Je venais de guérir d'une fracture de stress subie l'été précédent, et je n'avais jamais réussi les critères de qualification nécessaires pour être retenu dans les équipes des Championnats du monde seniors. J'espérais, comme bien d'autres athlètes qui se trouvaient dans la même position que moi, trouver le moyen de franchir le pont qui me permettrait de passer du statut « d'aspirant » à celui d'Olympien en bonne et due forme. La vaste majorité n'y arrive pas ; par contre, pour reprendre les paroles du grand Henry Ford, « que vous pensiez que vous en êtes capables ou que vous pensiez que vous en êtes incapables, vous avez raison ». Après la publication du nouveau système de qualification olympique pour les épreuves d'athlétisme fondé sur les points récoltés au classement mondial, j'avais le sentiment d'avoir des chances réalistes d'être dans la course pour décrocher un poste au sein de l'équipe canadienne, à la condition d'aligner une série de performances solides au cours de l'année dans les distances du 3 km et du 5 km. Je venais de connaître une saison en salle en deçà de mes attentes, alors que j'espérais atteindre un niveau qui me permettrait d'être dans la lutte en termes de points au classement mondial, et je commençais à ressentir de la pression parce que j'avais l'impression que mes possibilités de qualification olympique rapetissaient de plus en plus. Je devenais de plus en plus irritable, je lançais des jurons quand je n'enregistrais pas les temps voulus dans les intervalles à l’entraînement, et dans l'ensemble, le stress que je m'imposais faisait en sorte que je n'étais pas la meilleure version de moi-même.

Ce n'était pas la première fois que j'avais envisagé de tourner le dos à mon sport. Quand une saison de compétitions se termine ou quand tu vis un creux de vague parmi les nombreux hauts et les nombreux bas de la vie, c'est normal de réfléchir. Par contre, j'en venais toujours à la conclusion que j'en avais encore plus à donner ; que j'avais encore des objectifs que j'étais emballé de pourchasser. C'était là une des raisons qui m'a amené à essayer le steeplechase en 2019, ce qui a mené au pire des scénarios quand j'ai subi une fracture au calcanéum à ma première course. Même si ça n'a pas tourné en ma faveur, je ne regrette pas cette décision puisque cela a eu comme résultat de me donner une nouvelle impulsion dans mon parcours sportif. J'avais le goût d'apprendre quelque chose de nouveau, et pour la première fois en deux ans, j'avais en moi le genre d'optimisme qu'on ressent quand on pense qu'on peut vraiment réaliser un nouvel exploit. Cela m'a aussi amené à aiguiser ma capacité de concentration à l'approche de 2020, sachant que ça allait être le 5 km ou rien étant donné que ma toute petite occasion pour me familiariser avec le steeplechase a pris fin plutôt rapidement. Saut en avant dans le temps jusqu'au mois de mars 2020, et au lieu d'avoir le mot 'optimiste' aux lèvres pour décrire la façon dont je me sentais, c'était plutôt son contraire. Ma volonté de m'entraîner faisait défaut, et j'avais perdu le plaisir que j'avais jadis de pratiquer mon sport. Je suis profondément reconnaissant à l'endroit de Heather Hennigar, mon entraîneure principale, qui m'a étroitement guidé pendant tout ce cheminement. Elle m'a donné l'espace dont j'avais besoin, il était clair qu'elle allait me soutenir peu importe quelle voie j'allais choisir de suivre et, en fin de compte, elle voulait que je sois satisfait à la fin de chacune de mes journées.

J'ai eu de nombreux coéquipiers qui ont quitté l'athlétisme à différents moments, certains d'entre eux le faisant à mi-chemin d'un cycle olympique. À une certaine époque, je me demandais pourquoi ils avaient pris une telle décision, pourquoi ils ne voulaient pas persévérer pour obtenir l'occasion de réaliser un rêve qu'ils avaient probablement eu depuis de nombreuses années. C'est seulement en mars 2020 que j'ai eu droit à ce moment eurêka et que j'ai vraiment été capable de me mettre à leur place et d'imaginer ce qui avait pu les mener jusqu'à ce genre de décision. 

C'est pour cette raison que j'ai voulu faire connaître cette partie de mon histoire à d'autres personnes au lieu de silencieusement disparaître de la vie sur les pistes, de m'engouffrer dans cette haie de jardin métaphorique de la vie normale comme on le voit dans ce GIF avec Homer Simpson. Je sais que je ne suis pas le seul athlète qui est passé par ce processus de décision en mars. Tous les athlètes arrivent à la croisée des chemins et se demandent s'ils vont continuer ou quitter leur sport. Ce processus a fait de moi une personne qui a beaucoup plus d'empathie, et ça m'a aidé à réaliser encore plus à quel point tout le monde doit livrer ses propres batailles sur le plan personnel, chose que les autres ne voient pas nécessairement.

Je me considère privilégié d'avoir profité de toutes ces leçons et ces expériences de vie que la course à pied m'a apportées, c'est là quelque chose que je chérirai toujours. L'euphorie que j'ai ressentie quand j'ai réédité les records canadiens et de la FASSO au 1500 mètres à l'école secondaire m’a procuré beaucoup de joie, mais m'a aussi apporté beaucoup de pression alors que les attentes sont devenues plus grandes, surtout celles à mon propre endroit, ce qui m'a souvent nui au fil de ma carrière. Représenter le Canada à des événements d'envergure mondiale en Espagne, à Trinité-et-Tobago, aux États-Unis et en Corée du Sud ont été parmi mes plus grands moments de fierté en tant que citoyen. Le fait de pouvoir aller étudier à l'Université Villanova, de vivre la vie d'un athlète de la NCAA, de participer à un Championnat des Amériques aux Penn Relays et de disputer les finales nationales de la NCAA à Hayward Field représentent tous des moments qui me laisseront des souvenirs impérissables.

Me rendre au Carrefour de l'Ouest d'Athlétisme Canada après avoir fait mes études pour poursuivre mon rêve olympique m'a permis de faire la connaissance et de travailler avec des gens de classe mondiale jour après jour. Les entraîneurs, les préparateurs physiques, l'équipe médicale et l'équipe de soutien intégrée au grand complet ont vraiment fait plus que leur devoir tous les jours pour s'assurer que leurs athlètes soient dans la meilleure position possible pour connaître du succès. J'ai rencontré des personnes qui ont été mes mentors en dehors du sport, alors que j'ai été en mesure de travailler à temps partiel avec l'Institut canadien du sport et 94Forward sur des projets qui ont piqué ma curiosité à titre d'homme d'affaires et d'athlète. Tous ces gens savaient à quel point c'était important de contribuer au développement global de l'athlète et pour cela je leur serai à jamais redevable.

Je me compte aussi privilégié d'avoir vu tous ces entraîneurs devenir des modèles pour moi, et je continue d'apprendre de plusieurs d'entre eux encore à ce jour. La recette magique de Derek Hackshaw avec les Huskies de Newmarket, on ne la retrouve pas dans les séances d'entraînement qu'il prescrit, mais plutôt dans sa capacité à amener ses athlètes à croire qu'ils peuvent en faire plus qu'ils le croyaient. C'est quelqu'un avec qui j'ai encore des liens solides à ce jour, avec qui je peux tout autant parler de la vie que de son obsession pour les Raptors de Toronto. Courir sous les ordres de Marcus O’Sullivan pendant cinq ans à l'Université Villanova m'a enseigné des leçons sur la course à pied et aussi des leçons de vie, que je continue de porter en moi à ce jour. Sa personnalité authentique et son souci du bien-être de chacun des athlètes qu'il dirige sont parmi les principales raisons qui m'ont amené à choisir Villanova au départ. Quand j'ai cherché un endroit où courir après l'université, une des premières choses que Heather Hennigar m'a dites dans une première discussion, c'est qu'elle pensait que ma force de caractère allait me permettre d'aller loin dans ce sport. Même à l'occasion d'un récent appel téléphonique, elle a affirmé que je représentais encore une grande priorité pour elle, même en tant qu'athlète qui quitte le monde du sport. Je m'estime heureux parce que bien que tous ces gens aient joué un rôle énorme dans ma vie, je ne compte plus le nombre d'autres personnes qui ont été des mentors pour moi et le nombre de pairs qui m'ont aidé en cours de route. Je ne serais pas ici sans mes parents ni leur soutien depuis le premier jour, et je suis reconnaissant pour leur entêtement quand ils m'ont encouragé à continuer à l'école primaire même si je clamais que « je ne suis tout simplement pas fait pour la course à pied, maman ».

Ma vie est très différente de ce qu'elle était au début de l'année 2020. J'ai commencé à tracer un nouveau chemin, et je suis à la fois craintif et emballé de voir où mes prochains pas vont m'amener. Si vous êtes un(e) athlète qui a de la difficulté à naviguer dans ces eaux inconnues, sachez que vous n'êtes pas seul(e). Il y a un autre univers au-delà de celui d’athlète, et vous êtes bien outillé(e) pour vous y attaquer.

Merci de m'avoir lu,

Rob

 

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