Officielle pour la vie : La starter de World Athletics Lisa Ferdinand revient sur cinq décennies aux abords des pistes 

Originaire de Montréal et résidente de Portland, en Ontario, Lisa Ferdinand était une étoile montante de l’heptathlon jusqu’à ce qu’une blessure l’écarte de la piste, sans trop l’éloigner pour autant. Bien des années et des courses plus tard, la géologue et mère de trois enfants a déclenché son pistolet de départ partout, des compétitions locales aux Championnats du monde. Quelques mois après avoir été ajoutée au Mur de la renommée des officiels canadiens, Ferdinand revient sur ses décennies d’implication en athlétisme. 

Alex Cyr : Comment a commencé votre implication en athlétisme? 

Lisa Ferdinand : J’ai commencé à m’impliquer en athlétisme à ma première année du secondaire, en 1974. Mon professeur d’éducation physique Dale Munkittrick courait pour le Club d’athlétisme Viking avec Larry Eldridge, qui était mon entraîneur tout en étant directeur sportif de l’athlétisme aux Jeux olympiques de 1976, membre du Comité technique de l’IAAF (ancien nom de World Athletics) et président d’Athlétisme Canada (anciennement l’Association canadienne d’athlétisme). C’était un moment palpitant pour faire partie d’un club qui produisait autant d’athlètes olympiques et de membres de l’équipe nationale. J’étais entièrement plongée dans le monde de l’athlétisme. 

Ma première compétition au secondaire a été une course de cross-country sur le mont Royal. Le parcours était éreintant, alors j’ai décidé que je n’allais pas faire plus de 400 m. En vue des Jeux de 1976, je me suis entraînée chez Canadair, un hangar pour les avions qui était vide à Montréal et qui a été réaffecté par le gouvernement fédéral comme centre d’entraînement. Je m’entraînais avec des athlètes olympiques comme Bishop Dolegiewicz, Marvin Nash et Claude Ferragne. En tant que jeune athlète, le simple fait d’être en leur présence était surréel. 

La première fois que j’ai représenté le Canada à l’étranger, c’était au saut en hauteur à l’âge de 16 ans avec l’équipe junior, en 1978. J’ai poursuivi l’heptathlon et j’ai fini par recevoir une bourse d’études de l’Université Rice, où j’ai été entraînée par Victor Lopez (ancien président de la NACAC). C’était un bon endroit pour me développer et grandir sur le plan personnel et sportif: heptathlon, saut en hauteur et lancer du javelot. À ma deuxième année, j’ai subi un terrible accident en lançant le javelot, ce qui a nécessité une chirurgie reconstructrice du genou. Ça m’a ralentie, mais j’étais déterminée et je suis retournée à la compétition 18 mois plus tard. 

AC : Vous avez tout de même obtenu votre diplôme et fait de la compétition comme athlète après l’université? 

LF : Ouais. J’ai déménagé en Saskatchewan pour m’entraîner avec Lyle Sanderson, qui était alors entraîneur national pour les épreuves combinées. Environ un an après le début de mon entraînement, j’ai dû subir une autre opération. Face aux options qui se présentaient à moi, j’ai senti qu’il était temps d’accrocher mes chaussures d’athlète. 

Évidemment, m’éloigner de la compétition a engendré des retraits. À ce moment, Saskatoon accueillait régulièrement des rencontres d’épreuves combinées opposant le Canada aux États-Unis. J’aidais dès qu’il y avait un besoin pour ces épreuves et d’autres événements locaux. C’était une façon facile de rester impliquée dans le sport. Un jour, un officiel de départ et « la voix de l’athlétisme », Dale Yellowlees, avait besoin de quelqu’un pour aider aux reprises de course. J’ai dit oui, j’ai pris le pistolet et je n’avais aucune idée de ce que je faisais, mais j’ai trouvé ça très amusant. Quel autre boulot pourrait me permettre d’être aussi proche des athlètes? J’ai tellement aimé ça que je suis devenue une officielle de départ régulière à l’occasion de rencontres locales.

AC : À ce moment, vous aviez aussi obtenu un emploi comme géologue. Comment avez-vous fait pour maintenir un équilibre entre ces deux activités? 

LF : J’ai travaillé comme géologue prospectrice dans le nord de la Saskatchewan et du Manitoba et je conduisais jusqu’à Saskatoon pour participer aux rencontres d’athlétisme comme officielle les weekends, quand c’était possible. C’était une façon de rester en contact avec la communauté d’athlétisme. Toutefois, j’ai été assez chanceuse pour être mentorée par une personne et un officiel de départ remarquable en Dennis Beerling. Ce dernier, de même que les autres officiels de départ et officiels avec qui j’ai travaillé au cours de mes 10 années en Saskatchewan, représentent les racines de ma carrière comme officielle technique. Ils ont fait en sorte que je reste impliquée tout ce temps et quand je participais à des rencontres, c’était chaque fois une expérience d’apprentissage : on mettait au défi ma façon de penser, ma prise de décisions et ma connaissance des règlements. J’avais hâte à chaque compétition à laquelle je pouvais assister tout en travaillant dans le nord. 

AC : Est-ce que c’était un défi d’équilibrer le temps pour la famille, le travail et les contrats d’arbitrage? 

LF : Quand j’habitais en Saskatchewan, on avait deux jeunes enfants et mon mari (qui travaillait aussi dans l’industrie minière), voyageait beaucoup. J’emmenais donc les enfants avec moi aux compétitions d’athlétisme. C’était parfois un défi quand ils étaient plus jeunes, mais j’aimais aussi être officielle et j’aimais les gens que j’avais appris à connaître. J’ai fait du mieux que j’ai pu pour que ça fonctionne et j’ai essayé d’éprouver du plaisir en le faisant. 

Une fois, je faisais le départ du 200 m et les athlètes étaient à leurs marques et l’autre officiel, celui qui signale les reprises, a avorté la course, ce qui ne devrait pas survenir. Alors j’ai regardé vers la piste et demandé « Qu’est-ce qui se passe? » Sans dire un mot, il a montré le huitième couloir où ma fille se trouvait dans la courbe; elle venait voir sa mère en pédalant sur son tricycle. J’étais vraiment mortifiée, mais en y repensant, c’était adorable. Quel beau souvenir! 

AC : Vous avez maintenant été officielle aux Jeux du Commonwealth et aux Championnats du monde : quel est le fait saillant de votre carrière? 

LF : En tant qu’athlète, un de mes faits saillants a été de participer aux Essais olympiques canadiens en 1980 au saut en hauteur contre Debbie Brill et Diane Jones; deux femmes que j’idolâtrais quand j’étais une jeune athlète. 

En tant qu’officielle, un des faits saillants est la multitude de personnes talentueuses et passionnées que j’ai rencontrées et les amis pour la vie que je me suis faits au fil du temps dans notre sport. Un autre, c’est d’officier des courses d’enfants (U10). Comprenez-moi bien, effectuer les départs des courses avec des athlètes olympiques et des détenteurs de records du monde est incroyable : le talent et les aptitudes qu’ils possèdent sont vraiment impressionnants. Toutefois, assister à une course d’enfants de huit ans est remarquable d’une autre manière. Ils ont les yeux grands ouverts et sont fascinés par la compétition. Je pense qu’en vieillissant, le pur plaisir du sport évolue et semble être compromis par les statistiques, l’égo et l’image, tandis que les enfants sont juste là pour l’expérience du plaisir.  

J’ai un autre type de fait saillant, un moment embarrassant au stade des Jeux du Commonwealth de 2018, qui était bondé. Pendant la demi-finale du 100 m masculin, ma voix a cassé pendant que je donnais les instructions aux athlètes pour aller à leurs marques. Je me suis dit « Oh mon Dieu, pas maintenant! » J’espère que je suis la seule à l’avoir entendu. C’était un vœu pieux! 

AC : Êtes-vous nerveuse quand vous arrivez à votre position pour le départ? 

LF : Non! Plus maintenant. J’ai dû passer par quelques étapes en développant mon efficacité comme officielle de départ pour en arriver là. Un mentor (Tom McTaggart - aussi un starter international) m’a expliqué les quatre étapes de compétence que nous traversons tous au cours de notre apprentissage. 

La première est l’incompétence inconsciente : tu ignores ce que tu ignores. C’était moi à mon début de carrière, quand quelqu’un m’a donné un pistolet et que j’ai compris que je pouvais lancer une course. 

La deuxième étape est l’incompétence consciente : je sais ce que j’ignore, mais je veux m’améliorer. Ça survient après quelques compétitions seulement. 

La troisième étape est la compétence consciente : j’apprenais tout ce que je pouvais sur les départs et je le mettais en pratique dès que je le pouvais. J’avais l’impression que j’étais bonne dans ce que je faisais, mais je devais tout de même suivre une liste de vérification avant le début des compétitions : est-ce que la photo-finish est prête? La ligne d’arrivée est prête? Les juges-arbitres? etc. En même temps, je commençais à avoir l’impression que mon égo tirait le meilleur de moi-même (alors que j’exerçais une autorité perçue sur les athlètes quand ils défiaient parfois mes ordres ou mes décisions). Je trouvais que mon comportement était très stressant et potentiellement nuisible. Ça m’a pris un moment pour passer à travers cette étape, soit jusqu’à ce que je sois capable d’assimiler le fait que ce que je fais comme officielle n’a rien à voir avec moi et qu’en fait, si je quitte une réunion sans que personne sache qui je suis, j’ai fait mon boulot. J’avais perdu le fil de ce concept en cours de route. 

La dernière étape est la compétence inconsciente : je sais exactement ce qu’est mon rôle comme officielle de départ et comment le remplir à tout moment et en tout lieu. J’essaie de le faire sans égo et je suis continuellement en train d’apprendre de ces expériences. 

Je réalise que j’ai un travail à faire et j’essaie d’offrir des départs justes et équitables aux athlètes à chaque course. Quand je suis en poste, je sens que j’ai accompli la dernière étape alors non, je ne suis pas nerveuse. 

AC : Quels sont vos plans pour l’avenir? 

LF : Tous les officiels internationaux sont désignés par le comité de World Athletics pour des championnats spécifiques, les circuits de compétition et les Jeux. En tant qu’officiels de départ internationaux, nous recevons des affectations tous les deux ans. Toutefois, le retour aux compétitions après la COVID a interrompu ce cycle. J’ai été affectée aux Jeux de la jeunesse du Commonwealth au début du mois d’août et je serai ensuite aux Championnats du monde d’athlétisme en Hongrie tout de suite après. De plus, il y a de nombreuses rencontres en salle où travailler selon les besoins. 

Plus tôt, quand vous m’avez qualifiée de « officielle pour la vie », vous aviez peut-être raison. La flamme brûle toujours! 

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